Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/104

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second les rassurer et leur dire qu’ils pouvaient être certains, s’ils se conduisaient bien durant le reste du voyage, que tout ce qu’ils avaient fait précédemment serait oublié. J’y allai donc ; ils parurent contents après que je leur eus donné ma parole d’honneur, et plus encore quand j’ordonnai que les deux hommes qui étaient aux fers fussent relâchés et pardonnés.

Cette mutinerie nous obligea à jeter l’ancre pour cette nuit, attendu d’ailleurs que le vent était tombé ; le lendemain matin nous nous apperçûmes que nos deux hommes qui avaient été mis aux fers s’étaient saisis chacun d’un mousquet et de quelques autres armes, — nous ignorions combien ils avaient de poudre et de plomb, — avaient pris la pinace du bâtiment, qui n’avait pas encore été halée à bord, et étaient allés rejoindre à terre leurs compagnons de scélératesse.

Aussitôt que j’en fus instruit je fis monter dans la grande chaloupe douze hommes et le second, et les envoyai à la poursuite de ces coquins ; mais ils ne purent les trouver non plus qu’aucun des autres ; car dès qu’ils avaient vu la chaloupe s’approcher du rivage ils s’étaient touts enfuis dans les bois. Le second fut d’abord tenté, pour faire justice de leur coquinerie, de détruire leurs plantations, de brûler leurs ustensiles et leurs meubles, et de les laisser se tirer d’affaire comme ils pourraient ; mais, n’ayant pas d’ordre, il laissa toutes choses comme il les trouva, et, ramenant la pinace, il revint à bord sans eux.

Ces deux hommes joints aux autres en élevaient le nombre à cinq ; mais les trois coquins l’emportaient tellement en scélératesse sur ceux-ci qu’après qu’ils eurent passé ensemble deux ou trois jours, ils mirent à la porte les deux nouveau-venus, les abandonnant à eux-mêmes et ne voulant rien