Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/158

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jusqu’à ce que, s’il était possible, ces trois hommes fussent partis. Mais le gouverneur fit la réflexion que ces trois Indiens n’avaient pas de pirogue ; et que si on les laissait rôder dans l’île, assurément ils découvriraient qu’elle était habitée, ce qui causerait la ruine de la colonie.

Sur ce, rebroussant chemin et trouvant les compères qui dormaient encore profondément, ils résolurent de les éveiller et de les faire prisonniers ; et c’est ce qu’ils firent. Les pauvres diables furent étrangement effrayés quand ils se virent saisis et liés, et, comme les femmes, ils craignirent qu’on ne voulût les tuer et les dévorer ; car, à ce qu’il paraît, ces peuples s’imaginent que tout le monde fait comme eux et mange de la chair humaine ; mais on les eut bientôt tranquillisés là-dessus et on les emmena.

Ce fut une chose fort heureuse pour nos gens de ne pas les avoir conduits à leur château, je veux dire à mon palais au pied de la colline, mais de les avoir menés d’abord à la tonnelle, où étaient leurs principales cultures, leurs chèvres et leurs champs de blé ; et plus tard à l’habitation des deux Anglais.

Là on les fit travailler, quoiqu’on n’eût pas grand ouvrage à leur donner ; et, soit négligence à les garder, soit qu’on ne crût pas qu’ils pussent s’émanciper, un d’entre eux s’échappa, et, s’étant réfugié dans les bois, on ne le revit plus.

On eut tout lieu de croire qu’il était retourné dans son pays avec les Sauvages, qui débarquèrent trois ou quatre semaines plus tard, firent leurs bombances accoutumées, et s’en allèrent au bout de deux jours. Cette pensée atterra nos gens : ils conclurent, et avec beaucoup de raison, que cet individu, retourné parmi ses camarades, ne manquerait pas de leur rapporter qu’il y avait des habitants dans l’île, et