Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/192

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n’y apporte remède. » — Là-dessus il cita un proverbe espagnol que je ne puis répéter dans les mêmes termes, mais dont je me souviens avoir habillé à ma façon un proverbe anglais, que voici :

Dans le trouble soyez troublé,
Votre trouble sera doublé.

Ensuite il abonda en remarques sur toutes les petites améliorations que j’avais introduites dans ma solitude, sur mon infatigable industrie, comme il l’appelait, et sur la manière dont j’avais rendu une condition, par ses circonstances d’abord pire que la leur, mille fois plus heureuse que celle dans laquelle ils étaient, même alors, où ils se trouvaient touts ensemble. Il me dit qu’il était à remarquer que les Anglais avaient une plus grande présence d’esprit dans la détresse que tout autre peuple qu’il eût jamais vu ; que ses malheureux compatriotes, ainsi que les Portugais, étaient la pire espèce d’hommes de l’univers pour lutter contre l’adversité ; parce que dans les périls, une fois les efforts vulgaires tentés, leur premier pas était de se livrer au désespoir, de succomber sous lui et de mourir sans tourner leurs pensées vers des voies de salut.

Je lui répliquai que leur cas et le mien différaient extrêmement ; qu’ils avaient été jetés sur le rivage privés de toutes choses nécessaires, et sans provisions pour subsister jusqu’à ce qu’ils pussent se pourvoir ; qu’à la vérité j’avais eu ce désavantage et cette affliction d’être seul ; mais que les secours providentiellement jetés dans mes mains par le bris inopiné du navire, étaient un si grand réconfort, qu’il aurait poussé tout homme au monde à s’ingénier comme je l’avais fait. — « Señor, reprit l’Espagnol, si nous pauvres Cas-