Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/345

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vaincu de la vérité de tout ceci : je vous ferai seulement une proposition : il m’est dû dix-neuf mois de paie à bord du navire le…, sur lequel je suis venu d’Angleterre, et il en est dû sept au Hollandais qui est avec moi ; voulez-vous nous en tenir compte ? nous partirons avec vous. Si la chose en reste là, nous ne demanderons rien de plus ; mais s’il advient que vous soyez convaincu que nous avons sauvé, et votre vie, et le navire, et la vie de tout l’équipage, nous laisserons le reste à votre discrétion. »

J’y tôpai sur-le-champ, et je m’en allai immédiatement à bord, et les deux hommes avec moi. Aussitôt que j’approchai du navire, mon partner, qui ne l’avait point quitté, accourut sur le gaillard d’arrière et tout joyeux me cria : — « O ho ! O ho ! nous avons bouché la voie » — « Tout de bon ? lui dis-je ; béni soit Dieu ! mais qu’on lève l’ancre en toute hâte. » — « Qu’on lève l’ancre ! répéta-t-il, qu’entendez-vous par là ? Qu’y a-t-il ? » « Point de questions, répliquai-je ; mais tout le monde à l’œuvre, et qu’on lève l’ancre sans perdre une minute. » — Frappé d’étonnement, il ne laissa pas d’appeler le capitaine, et de lui ordonner incontinent de lever l’ancre, et quoique la marée ne fût pas entièrement montée, une petite brise de terre soufflant, nous fîmes route vers la mer. Alors j’appelai mon partner dans la cabine et je lui contai en détail mon aventure, puis nous fîmes venir les deux hommes pour nous donner le reste de l’histoire. Mais comme ce récit demandait beaucoup de temps, il n’était pas terminé qu’un matelot vint crier à la porte de la cabine, de la part du capitaine, que nous étions chassés. — « Chassés ! m’écriai-je ; comment et par qui ? » — « Par cinq sloops, ou chaloupes, pleines de monde. » — « Très-bien ! dis-je ; il paraît qu’il y a du vrai là-dedans. » — Sur-le-champ je fis assembler touts nos