Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/422

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mandant ordonna aux deux ailes d’avancer en toute hâte et de lui envoyer simultanément une salve de mousqueterie, ce qui fut fait. Sur ce, il prit la fuite, pour rendre compte, je présume, de la réception qui attendait nos Tartares. Et il paraîtrait que ce salut ne les mit pas en goût, car ils firent halte immédiatement. Après quelques instants de délibération, faisant un demi-tour à gauche, ils rengaînèrent leur compliment et ne nous en dirent pas davantage pour cette fois, ce qui, vu les circonstances, ne fut pas très-désagréable : nous ne brûlions pas excessivement de donner bataille à une pareille multitude.

Deux jours après ceci nous atteignîmes la ville de Naum ou Nauma. Nous remerciâmes le gouverneur de ses soins pour nous, et nous fîmes une collecte qui s’éleva à une centaine de crowns que nous donnâmes aux soldats envoyés pour notre escorte. Nous y restâmes un jour. Naum est tout de bon une ville de garnison ; il y avait bien neuf cents soldats, et la raison en est qu’autrefois les frontières moscovites étaient beaucoup plus voisines qu’elles ne le sont aujourd’hui, les Moscovites ayant abandonné toute cette portion du pays (laquelle, à l’Ouest de la ville, s’étend jusqu’à deux cents milles environ), comme stérile et indéfrichable, et plus encore à cause de son éloignement et de la difficulté qu’il y a d’y entretenir des troupes pour sa défense, car nous étions encore à deux mille milles de la Moscovie proprement dite.

Après cette étape nous eûmes à passer plusieurs grandes rivières et deux terribles déserts, dont l’un nous coûta seize jours de marche : c’est à juste titre, comme je l’ai dit, qu’ils pourraient se nommer No Man’s Land, la Terre de Personne ; et le 13 avril nous arrivâmes aux frontières des États moscovites. Si je me souviens bien la première cité, ville ou