Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/459

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ble ; aussi les autres voyageurs commençaient-ils à préparer les traîneaux qui devaient les transporter sur la neige, et à tout disposer pour leur départ ; mais notre dessein de gagner Archangel, et non Moscou ou la Baltique, étant bien arrêté, je ne bougeai pas. Je savais que les navires du Sud ne se mettent en route pour cette partie du monde qu’au mois de mai ou de juin, et que si j’y arrivais au commencement d’août, j’y serais avant qu’aucun bâtiment fût prêt à remettre en mer. Je ne m’empressai donc nullement de partir comme les autres, et je vis une multitude de gens, je dirai même touts les voyageurs, quitter la ville avant moi. Il paraît que touts les ans ils se rendent à Moscou pour trafiquer, c’est-à-dire pour y porter leurs pelleteries et les échanger contre les articles de nécessité dont ils ont besoin pour leurs magasins. D’autres aussi vont pour le même objet à Archangel. Mais comme ils ont plus de huit cents milles à faire pour revenir chez eux, ceux qui s’y rendirent cette année-là partirent de même avant moi.

Bref, dans la seconde quinzaine de mai je commençai à m’occuper de mes malles, et tandis que j’étais à cette besogne, il me vint dans l’esprit de me demander pourquoi touts ces gens bannis en Sibérie par le Czar, mais une fois arrivés là laissés libres d’aller où bon leur semble, ne gagnaient pas quelque autre endroit du monde à leur gré. Et je me pris à examiner ce qui pouvait les détourner de cette tentative.

Mais mon étonnement cessa quand j’en eus touché quelques mots à la personne dont j’ai déjà parlé, et qui me répondit ainsi : — « Considérez d’abord, sir, me dit-il, le lieu où nous sommes, secondement la condition dans laquelle nous sommes, et surtout la majeure partie des gens qui sont bannis ici. Nous sommes environnés d’obstacles plus