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vais pas fait beaucoup de connaissances. — Je m’étais défait de ma plantation au Brésil : cependant ce pays ne pouvait me sortir de la tête, et j’avais une grande envie de reprendre ma volée ; je ne pouvais surtout résister au violent désir que j’avais de revoir mon île, de savoir si les pauvres Espagnols l’habitaient, et comment les scélérats que j’y avais laissés en avaient usé avec eux[1].

Ma fidèle amie la veuve me déconseilla de cela, et m’influença si bien que pendant environ sept ans elle prévint mes courses lointaines. Durant ce temps je pris sous ma tutelle mes deux neveux, fils d’un de mes frères. L’aîné ayant quelque bien, je l’élevai comme un gentleman, et pour ajouter à son aisance je lui constituai un legs après ma mort. Le cadet, je le confiai à un capitaine de navire, et au bout de cinq ans, trouvant en lui un garçon judicieux, brave et entreprenant, je lui confiai un bon vaisseau et je l’envoyai en mer. Ce jeune homme m’entraîna moi-même plus tard, tout vieux que j’étais, dans de nouvelles aventures.

Cependant je m’établis ici en partie, car premièrement je me mariai, et cela non à mon désavantage ou à mon déplaisir. J’eus trois enfants, deux fils et une fille ; mais ma femme étant morte et mon neveu revenant à la maison après un fort heureux voyage en Espagne, mes inclinations à courir le monde et ses importunités prévalurent, et m’engagèrent à m’embarquer dans son navire comme simple négociant pour les Indes-Orientales. Ce fut en l’année 1694.

Dans ce voyage je visitai ma nouvelle colonie dans l’île, je vis mes successeurs les Espagnols, j’appris toute l’his-

  1. Dans l’édition où l’on se borne au rôle de traducteur fidèle, les cinq paragraphes, à partir de : J’eus alors la pensée…, jusqu’à : ma fidèle amie la veuve…, ont été supprimés. P. B.