Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/91

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inutilement. Toutefois j’appris en côtoyant le rivage que j’avais été jadis dans une grande erreur, c’est-à-dire que le continent que j’avais cru voir de l’île où je vivais n’était réellement point la terre ferme, mais une île fort longue, ou plutôt une chaîne d’îles s’étendant d’un côté à l’autre des vastes bouches de la grande rivière ; et que les Sauvages qui venaient dans mon île n’étaient pas proprement ceux qu’on appelle Caribes, mais des insulaires et autres barbares de la même espèce, qui habitaient un peu plus près de moi.

Bref, je visitai sans résultat quantité de ces îles : j’en trouvai quelques-unes peuplées et quelques-unes désertes. Dans une entre autres je rencontrai des Espagnols, et je crus qu’ils y résidaient ; mais, leur ayant parlé, j’appris qu’ils avaient un sloop mouillé dans une petite crique près de là ; qu’ils venaient en ce lieu pour faire du sel et pêcher s’il était possible quelques huîtres à perle ; enfin qu’ils appartenaient à l’île de la Trinité, située plus au Nord, par les 10 et 11 degrés de latitude.

Côtoyant ainsi d’une île à l’autre, tantôt avec le navire, tantôt avec la chaloupe des Français, — nous l’avions trouvée à notre convenance, et l’avions gardée sous leur bon plaisir, — j’atteignis enfin le côté Sud de mon île, et je reconnus les lieux de prime abord. Je fis donc mettre le navire à l’ancre, en face de la petite crique où gisait mon ancienne habitation.

Sitôt que je vins en vue de l’île j’appelai Vendredi et je lui demandai s’il savait où il était. Il promena ses regards quelque temps, puis tout à coup il battit des mains et s’écria : — « O, oui ! O, voilà ! O, oui ! O, voilà ! » — Et montrant du doigt notre ancienne habitation, il se prit à danser et à cabrioler comme un fou, et j’eus beaucoup