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HÉLIKA.

« Le louche, dit le premier diable, dont la voix caverneuse ressemblait à s’y méprendre à celle des enfants des bords de la Garonne, Cadédious, mon bon, nous venons te chercher au nom de Satan. Tu as fait assez de mal comme cela, tu nous appartiens corps et âme. » L’autre voix en arrière reprenait : « Nous allons t’amener rejoindre Paulo en enfer, depuis une heure nous l’y avons conduit. » On entendait une autre voix avec un rire sec qui disait : « Nous allons en faire un fricot avec vous tous. » Puis les deux autres diables s’approchèrent de lui pendant que la boule de feu venait lui roussir les cheveux. Il allait s’affaisser lorsqu’il en ressentit la chaleur. Se signant à la hâte, il s’élança d’un bond prodigieux en avant d’un des diables qui effrayé sans doute par le signe de croix lui avait livré passage.

Il prit sa course, mais une course plus rapide que celle du meilleur lévrier, malheureusement les diables eux aussi courent fort vite et les boules de feu l’eurent bientôt rejoint, tantôt le précédant et le suivant. Pour les éviter, il faisait des sauts de bélier, poursuivi toujours par le même bruit de chaînes et les mêmes ricanements. Hors d’haleine, sentant ses jambes fléchir sous lui, il arriva enfin à sa cabane ; mais, à sa grande stupeur, elle était toute réduite en cendres. Il s’arrêta terrifié. Une détonation venant d’en haut lui fit lever les yeux. Il aperçut des globes de feu énormes et de toutes les couleurs qui menaçaient de lui tomber sur la tête. À cette vue, il reprit sa course désespérée poursuivi et toujours par les mêmes fanfares infernales.

Enfin à force de se signer et de recommander son âme à Dieu, il put faire disparaître tous les diables. Il gagna le village toujours en courant et alla se réfugier, comme on l’a vu, sur le perron de l’église.

Telle fut l’histoire qu’il raconta au bedeau et dont je donne ici le résumé.

Celui qui eût visité la caverne des fées le jour précédent aurait été étonné de voir le genre d’occupation auquel trois hommes se livraient.

Deux cousaient ensemble des morceaux d’écorce de bouleau percés de trous à l’endroit des yeux, de la bouche et ornés d’un nez énorme. De temps en temps, ils s’ajustaient ces masques sur la figure en riant de bon cœur à l’apparence qu’ils leur donnaient.

Bidoune, d’un autre côté, (car le lecteur a sans doute reconnu que la mascarade qui avait causé une si grande terreur au louche, était une pure invention du Gascon et de son ami pour débarrasser la paroisse de cet homme traître et méchant) adaptait au bout