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HÉLIKA.

pitée qu’ils n’avaient pas eu le temps de prendre des provisions. Ils devaient donc se séparer avant que d’avoir fait bien du chemin et c’était justement ce que je voulais empêcher.

Nous étions presque en nombre égal, il n’était donc pas prudent pour nous de rester tous ensemble, car ils pourraient nous surprendre à l’entrée où à la sortie d’un défilé et nous tirer à l’affût comme gibier de passage, aussi nous séparâmes-nous. Je pris avec Bidonne, l’avant-garde, pour servir d’éclaireurs, pour que nous ne nous éloignâmes pas trop les uns des autres, afin de nous prêter un secours mutuel en cas de surprise.

Nous étions en route depuis deux jours, lorsque nous découvrîmes des traces toutes fraîches de leurs pas. Comme dans la chasse que Baptiste avait donnée à Paulo, ils avaient encore cette fois pris toutes les peines du monde pour effacer les vestiges de leur passage. Ils avaient monté et redescendu les ruisseaux, choisi les terrains pierreux, fait un grand nombre de tours et de détours afin de nous donner le change, mais j’étais trop habitué à toutes ces ruses pour me laisser tromper. En partant de l’endroit où nous les avions surpris, ils s’étaient dirigés vers le sud puis marchant dans le cours d’un ruisseau, ils étaient revenus plusieurs milles en arrière.

Nous pûmes constater qu’évidemment Paulo conduisait le parti.

Enfin la nuit de la seconde journée, il faisait un clair de lune magnifique. Nous étions dispersés les uns des autres, l’œil et l’oreille au guet, lorsque tout à coup, une modulation d’abord, puis le cri du merle siffleur s’élevant à une petite distance arriva à mes oreilles. C’était le signal de ralliement, l’ennemi devait être en vue de quelqu’un de notre bande.

Nous nous glissâmes avec des précautions infinies vers le lieu d’où était parti le cri. Nous aperçûmes effectivement dans un cran de rochers doux points lumineux et le canon d’une carabine qui brillait au rayon de la lune. J’abaissai mon arme et fit feu. Deux balles d’un autre côté vinrent siffler auprès de moi. Trois autres coups partis des nôtres répondirent aux deux premiers.

J’avais bien recommandé à mes hommes de se tenir à l’abri des arbres et de se coucher à plat ventre sitôt qu’ils auraient tiré. C’est ce qu’ils firent. Ils durent à cette précaution de n’être pas atteints par les balles.

Quelques secondes après, je reconnus le son de la grosse carabine de Baptiste et j’aperçus en même temps un sauvage qui dégringolait du haut du rocher.

« À l’assaut ! » m’écriai-je, sans leur donner le temps de recharger et le couteau aux dents, nous nous précipitâmes sur eux. Paulo