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HÉLIKA.

plus vite et aller te rejoindre. Tu dois toi aussi t’ennuyer un peu de ta petite fille. »

« Depuis huit jours nous prions pour deux criminels qui ont été pendus ce matin. Toutes les bonnes religieuses étaient tristes nous aussi nous l’étions. C’est si terrible de penser que deux hommes vont être pendus, mais c’est plus affreux encore de songer qu’ils vont mourir sans s’être réconciliés avec Dieu. À dix heures trois quarts ce matin les glas des deux malheureux ont commencé à sonner. J’en frémis encore. Nous nous sommes rendues à la chapelle pour prier pour eux. Je n’ai pas osé demander s’ils ont fait leur paix avec Dieu. »

« Tu peux t’imaginer comme j’ai été contente de revoir mon ami Baptiste, aussi je l’ai embrassé bien fort. »

« Grand’mère vient me voir toutes les semaines. Elle m’apporte de ces beaux petits ouvrages en broderie sur écorce comme elle sait en faire. Elle y joint de plus de jolies corbeilles remplies de toute espèce de fruits. J’aurais voulu que ma tante supérieure lui donna de l’argent, j’avais tant peur qu’elle souffrît de la faim ; mais elle m’a embrassée en me disant que tu lui en donnes plus qu’elle n’en a besoin. Je t’en aimerais encore plus fort pour cela si j’en étais capable. »

À présent je vais te dire un tout petit secret. Ce n’est pas moi qui écris, je ne suis pas assez savante, c’est une de mes compagnes qui le fais pour moi, mais c’est moi qui dicte. »

« Mes bonnes tantes disent que dans quelques mois je pourrai écrire une lettre seule. Juge si je vais travailler. »

« Je t’embrasse mille et mille fois,
« Ta petite fille,
« Adala. »

20 Septembre.

La lecture de cette lettre me fit un plaisir ineffable que je me plus à savourer quelque temps. Il fallut pourtant me tirer de cette délicieuse rêverie et retourner dans ma cabane.

Mes amis étaient éveillés. Je me fis raconter les derniers jours des bandits dans les plus grandes minuties. Ils avaient été plus diaboliques encore dans leurs actions que le bon prêtre ne me l’avait dit.

Un jour un d’eux lui avait presque coupé un doigt avec ses dents pendant qu’il lui présentait à boire, comme il le lui avait demandé.

Un autre jour, Rodinus l’assommait presque avec ses menottes pendant qu’il avait le dos tourné.

Il n’y avait pas d’avanies, d’injures, de blasphèmes, d’obscénités