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Page:Deguise - Hélika, mémoire d'un vieux maître d'école, 1872.djvu/137

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HÉLIKA.

Je passai une semaine auprès d’elle, lui faisant visiter la ville et ses environs. Je jouissais du plaisir qu’elle éprouvait de voir tant de merveilles et de beautés qu’elle ne connaissait que par oui dire.

Il va sans dire que nous allâmes aussi chercher la grand-mère et l’installâmes auprès de nous pour qu’elle prît part à la joie commune.

Ces huit jours furent de courte durée. Si la voix de la raison n’eût cédé à celle de mon cœur, sans aucun doute, elle fut revenue avec moi. La vie de réclusion s’accordait peu avec le caractère d’Adala. Ce qu’il fallait à cette chère enfant c’était la vie libre et indépendante, indispensable au sang indien. Instinctivement aussi elle ressentait un entraînement véritable pour la vie demi sauvage. Mais il me fallut céder devant le devoir.

Après l’avoir pressée plusieurs fois dans mes bras, je me séparai d’elle. Je lui promis que dans deux ans je viendrais la chercher et qu’alors nous demeurerions ensemble jusqu’à la mort de l’un de nous. Aglaousse, de son côté, promit de venir nous rejoindre et de la visiter plus souvent encore d’ici à ce temps-là.

Je dis adieu à mes sœurs, leur recommandant de nouveau l’enfant. Ces recommandations étaient bien superflues.

Ce fut un grand sacrifice que je fis en m’éloignant d’elles, et aussi longtemps que je le pus, je me retournais pour jeter un regard sur le toit qui recouvrait des êtres qui m’étaient plus chers que la vie.

Jamais de ma vie, je n’ai éprouvé autant d’ennui que pendant les premiers mois qui suivirent cette séparation.

Enfin je rejoignis les compagnons qui m’attendaient à un endroit désigné et nous reprîmes la vie active.

Pendant la courte visite que j’avais faite à Adala, je lui avais souvent parlé du campement que nous avions établi auprès du Lac à la Truite. Je lui avais décrit le paysage si beau et les jouissances qu’on y trouvait. L’enfant avait écouté ces détails avec des larmes de plaisir. Elle me fit promettre en la laissant d’y construire un logement et que ce serait là que désormais nous habiterions.

Ses désirs étaient pour moi des ordres impérieux, aussi vers la fin de la seconde année, nous construisîmes ces cabanes que je ne changerais pas pour le plus somptueux des palais.

Enfin, depuis sept ans que nous y sommes installés, nous goûtons un bonheur presque sans nuages. Le seul chagrin qui soit venu assombrir notre ciel, a été la mort de mes deux sœurs qu’une épidémie a emportées successivement dans l’espace de deux mois. Chères saintes femmes, elles se sont éteintes comme elles ont vécu