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HÉLIKA.

devants depuis quelque temps, et jamais refrain plus agréable parvint à nos oreilles. " À boire, à boire, qui donc en voudra, boire " chantait-il en même temps qu’il se montra portant une énorme gourde bien remplie. Après que nous eûmes avidement vidé le contenu de cette bienfaisante gourde et pris quelques minutes de repos, nous nous remîmes en route rafraîchis et réconfortés. Les guides entonnèrent les gais chants des voyageurs canadiens ; ensemble nous fîmes chorus. Point ai-je besoin de dire que ces chants n’eussent pas été admis au Conservatoire de Paris.

« Enfin haletants, fatigués, méconnaissables par l’enflure causée par les piqûres des mouches, nous arrivâmes sous la direction de Baptiste dans une charmante érablière où le bruit d’une forte chute d’eau se faisait entendre. C’était l’oasis désirée. Des hourras frénétiques la saluèrent. Nous allions nous élancer dans la direction de la chute, lorsqu’un sifflement aiguë et un signe énergique de Baptiste qui se tenait immobile au milieu du sentier, nous arrêta. Il nous montrait du doigt une magnifique famille de perdrix branchées sur un arbre du voisinage. Elles semblaient être venues s’offrir intentionnellement comme le menu du repas, aussi n’en fîmes nous pas fi. Quatre à cinq coups de feu jetèrent à nos pieds la bande emplumée. De grands battements de mains de la part de monsieur Fameux et des spectateurs furent la couronne de ce bel exploit. Notez que nous avions tiré les perdrix presqu’à bout portant.

« La joie augmenta encore lorsqu’un de nos guides, qui était resté en arrière, arriva avec quatre beaux lièvres qu’il avait rencontrés ; mais elle devint délirante quand nous aperçûmes bouillonner l’eau des cascades dont nous n’étions plus éloignés que de quelques pas.

« Une minute plus tard, nous étions sur les bords de la rivière et aux pieds d’une des chutes les plus pittoresques qu’on puisse contempler. Le spectacle était beau, grandiose, et bien digne, eût-il été le seul, de nous faire oublier les tourments de la soif et de la faim que nous avions endurés ; mais ventre affamé n’a pas d’oreilles, c’était le temps ou jamais de le dire, car ce qui nous réjouit le plus et nous mit en belle humeur, ce fut lorsque des feux furent allumés et que les marmites commencèrent à bouillir. Pendant ce temps, tout le monde était à l’œuvre. Les uns écorchaient les lièvres, d’autres préparaient les perdrix, ou découpaient des tranches de lard et de jambon ; quelques-uns enfin bûchaient le bois, tandis que Baptiste confectionnait les assiettes avec des écorces de bouleau et faisait des micoïnes et des four-