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HÉLIKA.

sur ma couche, s’assit lui-même à côté sur la paille humide et avec une douce autorité m’obligea de prendre place sur ce siège qu’il m’avait improvisé, puis, prenant une de mes mains, il me dit avec bonté : « Que puis-je faire pour vous, mon frère ? Une malheureuse victime innocente des lois humaines dort du sommeil du juste en attendant l’heure du supplice, je puis donc demeurer quelques instants auprès de vous, parlez, en quoi puis-je vous être utile ? »

« Oh ! c’est alors que je soulageai mon âme du poids énorme qui l’écrasait depuis si longtemps en lui faisant, aussi brièvement que possible, la confession de toute ma vie et en lui racontant les circonstances qui avaient lié mon existence avec celles de Paulo, d’Angeline et d’Attenousse. Je fis la peinture des caractères de ces deux hommes, je m’accusai de ce que j’avais fait de mal, lui parlai des combats auxquels j’avais eu part et lui montrai, à l’appui de mes paroles, les cicatrices qui couvraient ma poitrine et tirai de mon sein les parchemins qui m’avaient été donnés.

« Quand j’eus fini de parler, le prêtre s’approcha de la lumière, examina mes parchemins un instant, puis, saisissant tout à coup le flambeau, il vint le présenter devant ma figure : « Hélika !» » Monsieur Odillon ! » nous écriâmes-nous spontanément et nous tombâmes dans les bras l’un de l’autre. Je le suppliai alors, me mettant à ses genoux, de sauver Attenousse. Le bon prêtre m’embrassa avec effusion, je sentis ses larmes couler de mes joues, mais il me dit d’une voix profondément émue et en secouant la tête : « Hélas ! je crains qu’il ne soit malheureusement trop tard, j’ai déjà fait tout ce qui était en mon pouvoir, car je le connais depuis longtemps et le sais parfaitement innocent, néanmoins je vais encore tenter l’impossible pour y parvenir. »

Au même moment, un des guichetiers vint doucement gratter à la porte du cachot, sur l’invitation du prêtre, il entra.

« Est-il éveillé ? » demanda-t-il au guichetier d’une voix profondément affligée.

« Non, mon père, répondit celui-ci avec respect, je viens vous dire qu’il repose encore. Son sommeil est des plus paisibles, seulement ses lèvres se sont entrouvertes pour laisser échapper les noms de sa mère, de sa femme et de son enfant dont il nous a parlé si souvent depuis qu’il est ici ; il a dit aussi ces mots : " Oh ! père Hélika ! si tu vivais encore. "

Le prêtre tout ému se retourna vers moi, m’embrassa avec effusion, mes sanglots m’empêchaient d’articuler une seule syllabe : « Courage, me dit-il, priez et espérez. Soumettons-nous dans tous