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Page:Deherme - La Crise Sociale.djvu/34

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20 PREMIÈRE PARTIE — LA CRISE ÉCONOMIQUE

Chimère?... C'est ce que nous verrons. Mais soyons assurés que si, en France, les hommes de bonne volonté que nous voudrions grouper échouent dans ce projet de rallier le prolétariat à la société et d'ouvrir la société au prolétariat, de discipliner le prolétariat à la nécessité de l'ordre et d'animer la société de la volonté sincère du progrès, — c'en est fait déjà de la patrie française.

Mais pourquoi attacher tant d'importance à une classe qui ne compte après tout que pour un cin- quième de la population?

Pourquoi? Parce que, d'abord, ces huit millions de Français sont hors la Patrie. Ils n'y sont liés que par quelques devoirs incompris et quelques droits fallacieux. Ils n'y sont pas incorporés vraiment. Sup- pose-t-on que cela soit indifférent ?

Le paysan a sa terre, qui est souvent celle de ses ancêtres. Même l'ouvrier agricole n'est pas sans avoir son lopin (il n'y a pas moins de cinq millions de propriétaires agricoles). En tout cas, il ne s'en- gage qu'à l'année, à tout le moins au mois. Fermiers et valets travaillent sous le même soleil, ils dorment- sous la même chaume, mangent ensemble, portent la même blouse. Ils ont entre eux les rapports d'hu- manité que leur mentalité et leur sensibilité peuvent établir. L'un et l'autre sont bien enracinés, ils ont leur foyer, leur village, leurs traditions. Leur vie est dure, leurs plaisirs restreints, leur bien-être mé- diocre; mais ils ignorent les affres du chômage, de l'invalidité, et, somme toute, la misère est rare à la campagne. Vraiment, le paysan peut concevoir qu'il