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Page:Deherme - La Crise Sociale.djvu/39

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CHAPITRE PREMIER — LES PROLETAIRES 2o

puisable d'idéalisme pour tenir encore à ce qui le dépasse, malgré les leçons de l'école primaire, de la politique et celles de l'exemple des dirigeants. D'une invasion, c'est le paysan qui a tout à craindre, et Ton sait comment l'ouvrier s'est comporté en 1870-1871.

Que vient-on lui parler d'ordre, si l'on entend que de cet ordre il soit définitivement exclu? Peut-être avait-on pensé que le suffrage universel serait le « truc » qu'il fallait pour lui faire dédaigner l'exis- tence sociale en lui donnant l'illusion de la puissance politique. C'était ne pas compter sur la corporation politicienne qui devait nécessairement se former pour exploiter le « truc » et sur les surenchères obligées de la concurrence.

Les prolétaires sont étrangers à la Cité, et de ces étrangers on fait dépendre l'administration et la direction politique. Il fallait s'attendre, même si le principe n'était pas tout à fait absurde, à ce qu'ils en usassent en étrangers, c'est-à-dire en barbares. Jusqu'ici, ces barbares ont été timides.

Le prolétaire n'a plus rien à perdre à l'état social, ni foyer, ni sécurité, ni croyances, ni traditions. La dévolution des biens moraux a été complète. On lui a tout pris, on a tout dispersé, tout émietté, pour lui donner en place le bulletin de vote et la creuse Déclaration des droits de l'homme. Des droits ? Quels droits positifs peut bien avoir le chômeur qui erre dans les rues de Paris, plus isolé dans la foule que le troglodyte cannibale de la brousse africaine, plus affamé de l'âme et du corps, et ne connaissant aucune pitié ni aucune espérance ? Peut-être ne lui