Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/177

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resta impassible, et Innocent persista à dire qu’il n’était bon à rien.

Quant au cardinal Camille, il ne s’apercevait même pas des soins continuels et de toutes les espérances dont il était l’objet. Comme un écolier qui, à l’heure de la récréation, s’échappe aussitôt pour aller jouir de sa liberté, Camille, après avoir nonchalamment rempli les devoirs qui lui étaient imposés au Vatican, montait en voiture, et se rendait à sa villa, où l’attendait son cher Algardi, avec lequel, après avoir visité les bâtiments, parcouru les jardins et joui de l’effet des parties déjà achevées, il cherchait des combinaisons nouvelles pour embellir et perfectionner encore cet élégant palais.

L’espèce de fureur avec laquelle le cardinal avait fait pousser les travaux fut cause que constructions et jardins ne tardèrent pas à être presque terminés. Déjà les personnes de distinction s’empressaient pour venir voir cette nouvelle merveille des environs de Rome ; et le cardinal, fort affable de sa nature, prenait chaque jour un plaisir nouveau à faire voir jusqu’aux plus petits détails de son palais et de ses jardins, aux curieux venus pour en admirer l’ordonnance.

Camille était de ces hommes tels qu’on en rencontre assez souvent dans la classe élevée en Italie. Sa figure était plutôt régulière et agréable que belle ; son regard vif et bienveillant, mais sans profondeur, brillait au milieu d’un visage dont le contour plein et le teint également animé indiquaient l’égalité de son caractère et de sa santé. D’ailleurs, intelligent plutôt que spirituel, il aimait les belles choses par instinct, se plaisait à voir les productions des arts et même à entendre de beaux vers pour en jouir, mais sans penser à tirer vanité d’un goût qui aurait pu lui attirer le renom d’un connaisseur. Au contraire, son ignorance donnait de la grâce et de l’originalité à ses penchants ; et ce qu’il y avait certainement de plus remarquable en lui, était la candeur de son caractère et le bon aloi de son esprit, que l’étrange éducation que lui avait donnée sa mère avait peut-être conservé dans toute leur pureté. Accoutumé de très-bonne heure à une opulence dont il ne se servait que pour se procurer les distractions les plus