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de sa femme, dont l’expression lui parut aussi nouvelle que le langage qu’elle venait de lui tenir, il lui demanda à plusieurs reprises, en la considérant avec une curiosité accompagnée de quelque crainte : « Mais que voulez-vous donc ? que voulez-vous ? — M’aimes-tu réellement, Camille ? lui demanda-t-elle enfin ; ou n’as-tu pour moi que l’attachement que t’inspirerait une maîtresse pourvue de quelque beauté ? Est-ce ta femme que tu aimes en moi ? Est-ce la compagne que tu as choisie, celle qui porte dans son sein le fruit de tes amours ? Dis-moi, Camille Pamphile, est-ce à Cornélia Aldobrandini que tu as voué ton existence, ou prétends-tu passer ta vie près d’elle, comme avec une courtisane un peu plus belle et mieux élevée que les autres ? — Ah ! Cornélia !... — Réponds-moi : as-tu réfléchi, quand tu as renoncé au chapeau de cardinal pour m’épouser, que tu t’engageais à soutenir l’honneur de ta famille et de la mienne, que tu ne t’appartenais plus, et que j’acquerrais le droit de te faire souvenir de ton nom, si tu venais à l’oublier ? »

Comme le prince se couvrit le visage de ses mains, la princesse de Rossano se reprocha aussitôt d’avoir été trop dure, et se prit à verser quelques larmes. « Camille, Camille, s’écria-t-elle en lui prodiguant mille caresses, excusez-moi, je vous prie ; non, vous m’aimez, vous m’honorez, je le sais, je n’en ai jamais douté, mon ami... Vous me pardonnez cette vivacité, n’est-ce pas ? ajouta-t-elle en l’embrassant avec tendresse. — Ah ! Cornélia ! répondit Camille après quelques instants de silence et en parlant d’une voix altérée, c’est le premier chagrin que vous m’ayez fait éprouver... Oublions, oublions ce moment de notre vie... Ah ! Cornélia ! je n’avais jamais pensé qu’il fût possible que le moindre nuage s’élevât entre nous !... » Il s’arrêta encore, tant il se sentait oppressé ; puis continuant non sans peine : « Mais, ma chère et tendre amie, veuillez donc m’expliquer ce que vous désirez de moi... que faut-il que je fasse ? Pour vous plaire, pour vous donner la preuve, de ma tendresse, je suis prêt à tout entreprendre ; parlez. »

À ces mots, la joie pénétra rapidement le cœur de Cornélia, qui, aussi gracieuse que fière, selon l’occasion, pro-