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de son neveu, il n’y eut rien d’étroit ni de mesquin ; et ce fut moins tel ou tel de ses parents qu’elle prétendait élever et enrichir en ces occasions, que d’agrandir avant tout sa famille, de lui donner du lustre et de fonder une grande et puissante maison. Tout ce qui formait obstacle à cette idée dominante était un supplice pour dona Olimpia.

Aussi durant la nuit qui suivit l’entrée de la princesse de Rossano à Rome, vit-elle sa jeune et belle rivale toujours présente comme un spectre devant ses yeux. Elle quittait son lit, s’y rejetait, interrogeait l’horloge, attendant le jour avec une impatience qui approchait de la douleur. À peine eut-il paru, qu’elle se fit habiller par ses femmes, et retint près d’elle Flaminia. « Ah ! lui disait-elle, sa sainteté a contracté des habitudes qui dérobent bien du temps aux affaires !... Urbain ! son prédécesseur, n’en agissait pas ainsi !... Debout de grand matin, tout était expédié de bonne heure. — Je ferai observer à votre excellence, dit timidement Flaminia, que notre saint-père rachète son repos du matin par des veilles bien longues. — Et c’est le tort qu’il a... ses indispositions fréquentes sont causées par ce régime si peu convenable à son âge. — Grand Dieu ! sa santé serait-elle moins bonne en ce moment, madame ? » Flaminia fit cette question d’une voix douce et pénétrante, et les traits de son visage exprimèrent quelque chose de si tendre et de si résigné à la fois, que dona Olimpia ne put s’empêcher de porter attentivement son regard sur elle : « N’ayez point d’inquiétude, Flaminia, lui dit-elle.... le pape est bien... il est très-bien. » Le front habituellement pâle de Flaminia se colora tant soit peu, et elle laissa apparaître un sourire angélique, dont la sérénité fit faire mille réflexions étranges à Olimpia. Le calme apparent qui s’était rétabli dans les traits de la belle-sœur d’Innocent enhardit Flaminia à hasarder une demande. « Madame, lui dit-elle, il y a bien longtemps que sa sainteté n’est venue dans ce palais ; seriez-vous assez bonne pour m’accorder la permission de profiter de la première occasion où le saint-père se montrera publiquement, pour que j’aille recevoir... sa bénédiction ? »

Par une de ces bizarreries inexplicables du cœur humain,