Cet événement, et les suites qui en résultèrent, est sans contredit l’un des faits les plus étranges du pontificat d’Innocent. L’impatience passagère que causa à cet homme l’usurpation de pouvoir de dona Olimpia, et l’engouement qu’il éprouva pour le jeune Astalli, sont des caprices que l’histoire constate parce qu’ils ont existé, mais dont on s’efforcerait vainement de trouver les causes et l’explication.
Innocent avait l’esprit tellement buté en cette circonstance, qu’à l’exception de Pancirole, qui fut son confident unique, personne, pas même le jeune Astalli, ne fut averti de ce que le pape avait résolu de faire. Enfin, un beau matin toute la ville de Rome, et dona Olimpia elle-même comme les autres, apprit, par la voix publique, que Camille Astalli non-seulement était nommé cardinal et cardinal neveu, mais que le pape l’autorisait à porter le nom de Pamphile, le faisait cardinal patron avec un revenu de trente mille écus romains (environ 150,000 fr.), et un cadeau du tiers de cette somme pour s’installer conformément à sa nouvelle dignité. En outre, le pontife, comme s’il eût voulu humilier complètement sa propre famille par la nomination de ce parent postiche, ordonna à Astalli d’occuper un logement dans le palais de la place Navone, et lui accorda la jouissance de la villa Pamphile, bâtie et plantée par le prince dom Camille, son véritable neveu.
On a peine à comprendre aujourd’hui comment un acte de pouvoir aussi inattendu, aussi absurde, put se commettre dans une ville telle que Rome, sans qu’il en résultât immédiatement une révolution ; mais cela s’explique par le petit nombre des personnes du clergé et de la noblesse, eu égard au peuple, qui prirent une part sérieuse à cet événement. La populace se montra enchantée du revers qu’éprouvait dona Olimpia et sa famille ; plus d’un grand personnage même partagea cette joie, et le reste se contenta de témoigner un grand étonnement, ou de débiter des mots satiriques sur les vaincus et le vainqueur.