Le ton dont dona Olimpia termina sa phrase était un avertissement de clore l’entretien, et le jeune cardinal se disposait à se retirer, lorsque l’huissier annonça Pancirole. « Ah ! dit le vieux ministre, en traînant difficilement ses pas jusqu’au lit de la princesse, je suis charmé que notre jeune éminence ait mis de l’empressement à vous offrir ses hommages, madame ; c’est d’un bon augure pour lui. » Une inclinaison de tête fut toute la réponse que le compliment de Pancirole lui attira ; mais le vieux diplomate, sans s’étonner de ce silence, poursuivit, lorsqu’il s’aperçut qu’on ne l’invitait pas à s’asseoir : « Excusez-moi, excellence, si la vieillesse et la goutte me font user d’un privilège dont le cardinal Pamphile peut se passer ; » puis s’étant placé sur un siége, et après avoir averti par une petite précaution oratoire que la présence du cardinal-neveu était un motif pour qu’il parlât en toute liberté des affaires politiques, il commença à raconter quelques vieilles nouvelles sur lesquelles il raisonna, dans le dessein de persuader à dona Olimpia que les petits conseils tenus chez elle jusqu’alors ne seraient point interrompus par la nomination d’un cardinal neveu ; et le ministre d’état, reprenant le thème déjà développé par son élève, implora en sa faveur la protection de la belle-sœur d’Innocent, en faisant valoir aussi les nombreux avantages que le jeune favori pourrait tirer de ses conseils et de sa grande expérience.
Quoique dona Olimpia ne doutât pas de l’ombrage qu’elle portait à Pancirole, ni que l’élévation d’Astalli ne fût le résultat de ses menées, persuadée que ce ministre était devenu nécessaire au pape, elle sentit la nécessité de dévorer toute la jalousie qu’il lui inspirait, afin de ne pas le pousser à conseiller au pape une rupture ouverte avec elle. Prenant donc acte en quelque sorte de la promesse qu’il venait de faire, de choisir son palais pour y traiter d’avance les questions difficiles que le gouvernement du saint-siége pourrait faire naître, elle déclara aux deux cardinaux qu’elle se trouverait toujours flattée de pouvoir concourir avec eux, si elle en était capable, à tout ce qui devait tourner à l’avantage du pape et de son gouvernement. Après cet entretien, pendant lequel les trois interlocuteurs avaient eu un intérêt à peu près égal