qu’ils avaient injustement amassées, comment on avait même menacé leur vie ; aussi redoutait-elle un pareil sort.
Mais tandis que le génie infatigable de cette femme s’évertuait ainsi pour reconstituer son pouvoir en en rassemblant avec une admirable industrie les éléments dispersés, un accident sinistre faillit ruiner ses projets.
Un soir que, enfermée dans la partie la plus secrète de son palais, dona Olimpia repassait le compte des sommes reçues de ceux qui avaient obtenu des grâces d’elle, la voix de Flaminia se fit tout à coup entendre : « Princesse, dit-elle en parlant à travers la porte, monseigneur Azzolini demande instamment la faveur de vous entretenir ; c’est, dit-il, pour une affaire d’importance. — Faites entrer dans ma chambre, répondit aussitôt dona Olimpia, je vais l’y joindre. » En disant ces mots, elle se leva brusquement, et éprouva un battement de cœur qu’elle ne vainquit pas aisément. « Azzolini à cette heure ! pour une affaire importante ! se redisait-elle intérieurement en fermant en toute hâte ses coffres ; que peut-il être arrivé ? »
En effet, la présence si inattendue et à une heure déjà avancée de monseigneur Azzolini, chargé de tenir dona Olimpia au courant de toutes les choses secrètes dont il était nécessaire qu’elle fût informée d’avance, devait exciter son inquiétude.
Après avoir rajusté ses vêtements, elle entra dans sa chambre, où elle trouva le prélat tout aussi ému qu’elle. « Eh bien ! dit-elle, qu’est-il arrivé ? Le pape est-il malade ? — Non, grâce au ciel, madame... Mais... — Eh bien, qu’est-ce ? — Selon toute apparence, monseigneur Mascambruno est menacé des plus grands malheurs. — Comment ! que dites-vous, Azzolini ? Mascambruno ? — Oui, madame. — Et de quels malheurs ? — Heureusement qu’il est encore protégé par la confiance sans bornes que sa sainteté met en lui ; mais si le hasard voulait que ce qui se répète déjà dans Rome sur le compte du sous-dataire vînt à prendre de la consistance, et à parvenir jusqu’aux oreilles de sa sainteté, Mascambruno est un homme perdu ! — Juste ciel ! que dites-vous ? — Ce que tout le monde répète, madame. »