de notre affaire au pape, seriez-vous assez indulgente pour écouter une observation relative à mes neveux ? — Parlez, parlez, cardinal. — Comme vous ne pouvez penser un seul instant que les Barberins aient l’idée de faire l’ombre d’une injure à la maison Pamphile, j’ai peine à m’expliquer, princesse, comment l’idée de substituer l’un de nos neveux à l’autre pour l’unir à votre petite-fille a pu vous blesser..... Écoutez-moi bien, et rapportez-vous-en à votre esprit si clair et si pénétrant. Si nous vivions sous les lois et les opinions de la France, de l’Espagne ou de l’Angleterre, je comprendrais que vous tinssiez au droit d’aînesse, là où il est impossible d’en distraire certaines prérogatives. Mais, madame, vous ne l’ignorez pas, à Rome un cardinal est l’égal d’un prince, avec cet avantage encore, qu’il peut sortir d’un conclave souverain couronné. Carlo, l’aîné de mes neveux, s’est destiné de bonne beure à la prélature. Ses études, sa façon de vivre, l’austérité de ses mœurs, sans parler des avantages de son nom, tout fait croire qu’il ne serait pas indigne de la pourpre. » Dona Olimpia regarda avec étonnement le cardinal, lorsqu’il eut prononcé ces mots ; mais Antoine continua sans s’émouvoir : « Maffeo Barberin, au contraire, s’est accoutumé dès ses plus jeunes ans à l’idée de rester laïque, de vivre dans le monde, de soutenir le nom de sa race en se mariant. Quel avantage y aurait-il à contrarier des destinées toute faites, en quelque sorte, pour satisfaire à une opinion, à un préjugé qui existe à peine dans notre pays, et dont nous ne retirerions réellement aucun avantage dans la circonstance présente ? D’ailleurs, et s’il vous reste quelque scrupule, ne pourrait-on pas engager mon neveu Carlo à céder le droit d’aînesse à son frère ? — Cela conviendrait mieux ; qu’en pensez-vous ? — Cet arrangement pourrait se faire ; mais... on y mettrait une condition. — Encore ? et laquelle ? — Le chapeau pour mon neveu à la première promotion. — Y pensez-vous, Antoine ? dit dona Olimpia ; votre neveu a à peine trente ans ! — Eh ! madame, reprit-il en souriant, que voulez-vous ? nous en avons vu passer de plus jeunes encore. — Mais enfin vous êtes déjà deux du nom de Barberin dans le sacré collège ! et vous voulez que l’on en
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