cent fixa un jour pour se rendre à la place Navone, et prévint même sa belle-sœur qu’il irait jusqu’à son palais pour prendre la collation chez elle, avec toute sa famille.
Ce petit événement, dont le bruit s’était répandu, fut cause que la population de Rome, si curieuse de tout ce qui occupe les yeux, se porta dans les rues par lesquelles on supposait que le pape dût passer. Le pontife sortit du Vatican en portantine, espèce de petite litière dont ses infirmités le forçaient de faire fréquemment usage. Le cardinal Antoine le suivait dans son carrosse, et plusieurs prélats, parmi lesquels ou distinguait Azzolini et Gualtieri, montés sur leurs mules, complétaient le cortège qu’entouraient des valets, quelques sbires et un détachement de la garde corse.
Au bruit des cloches qui ne cessent de sonner lorsque le pontife romain sort, le peuple accourut en foule de toutes parts, et en moins d’un instant les rues furent encombrées de monde. L’aspect de cette populace avait quelque chose de menaçant, et bien que la présence sacrée du prince spirituel et les bénédictions qu’il donnait fissent d’abord plier tous les genoux et baisser toutes les têtes, bientôt les fronts et les regards se relevaient avec audace sur le souverain temporel, à qui on n’épargnait pas les injures les plus grossières sous le nom de sa belle-sœur. « Trés-saint-père ! du pain ! du pain ! » répétait-on de tous côtés, en faisant précéder ce vers d’un autre dont on ne supporterait ni le sens ni la rime en français.
En proférant ces cris, la populace s’approcha tellement de la portantine que le pape en fut effrayé. Antoine Barberin mit la tête hors de la portière de sa voiture, encourageant Azzolini, qui, monté sur sa mule, s’opposait aux flots de la multitude, tout en faisant serrer les rangs aux Corses autour du saint-père. Innocent criait que l’on rebroussât chemin, qu’on le reconduisît au Vatican ; mais Azzolini, jugeant en homme de résolution que si l’on cédait d’un pas à la canaille, elle avancerait aussitôt de mille, ne tint aucun compte des cris du pape et fit presser le pas au cortège. Une fois cette impulsion donnée, le jeune prélat, qui s’était constitué capitaine de la troupe, s’approcha de la voiture d’Antoine Bar-