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Ernest le tendit aussitôt à mademoiselle de Liron, qui d’un ton de reproche bienveillant lui dit au même moment :

— Vous voyez bien que je ne saurais faire usage de mes mains.

Et en parlant ainsi elle écartait ses bras de son corps, baissait les épaules et relevait la tête, en attendant qu’on la secourût dans son embarras. Ernest hésita un moment ; mais comme il s’aperçut à un léger signe d’impatience que sa cousine désirait être promptement satisfaite, il approcha doucement le mouchoir et enleva des rangées de petites perles qui garnissaient les sourcils, la lèvre et le menton de sa cousine.

Tout le trouble qui régnait dans le cœur d’Ernest à son entrée dans l’office était apaisé, et son visage avait repris, sinon du calme, au moins un air satisfait et riant. Mademoiselle de Liron profita de cette bonne disposition pour sermonner encore son cousin à propos de la conduite qu’il aurait à tenir pendant le cours de la journée, et il fut convenu que le jeune homme parlerait peu et s’abstiendrait surtout de laisser échapper aucun geste qui indiquât de l’humeur. Ce pacte fut conclu entre le cousin et la cousine au sortir de l’office et à l’entrée du corridor par lequel on pénétrait jusqu’aux appartements.

— Vous me le promettez, n’est-ce pas ? disait-elle.

— Oui, ma cousine, répondait Ernest en concentrant son émotion, et tout en répondant au sourire dont on venait d’accompagner la recommandation.

— En vérité, Ernest ?

— En vérité, ma cousine.

— Eh bien ! je compte sur vous. Allez faire votre toilette ; je vais m’occuper de la mienne afin que nous puissions hâter l’instant du dîner.

On s’habilla donc, et bientôt la cloche du dîner se fit entendre. Les deux causeurs descendaient encore de leurs appartements que M. de Liron était déjà placé à table ; car la visite qu’il attendait le sortait du calme profond où il vivait ordinairement. Mademoiselle de Liron ne tarda pas à entrer, et Ernest la suivit à quelques secondes.