prendre part, n’était occupé que de gagner du temps. Fort avant dans la confiance du saint-père, et porté à servir autant qu’il le pourrait dona Olimpia et les Barberins, le point de vue purement politique sous lequel il envisageait la position de la princesse de Saint-Martin donnait à sa conduite une certaine franchise qui lui conciliait les deux parties opposées. Après s’être assuré que dom Camille et la princesse de Rossano étaient à peu près parvenus à calmer toute la prélature et les grands de Rome, soit par l’espérance de faveurs qu’on pourrait faire obtenir aux uns, soit en intimidant les autres par la menace de divulguer leurs méfaits, il commença à entretenir le pape sur les dangers que présentait une procédure dont il était absolument impossible de calculer les résultats. « Faites attention, répétait-il au saint-père, que dona Olimpia n’est que le dernier anneau d’une chaîne qui remonte jusqu’à Urbain VIII. Vous ne pouvez vous dissimuler qu’en faisant restituer des sommes acquises n’importe comment, par dona Olimpia, vous prenez avec vous, avec les grands et avec le peuple, l’engagement de faire rendre gorge à tous ceux, quels que soient leur dignité ou leur rang, qui, depuis vingt-trois ans, se trouvent dans les mêmes conditions qu’elle. Or votre sainteté a une trop grande expérience des affaires pour ignorer qu’une telle opération est matériellement impossible. Après la révision des comptes sous le règne d’Innocent X, viendrait forcément celle des sommes qui ont été détournées pendant le pontificat d’Urbain VIII. Le nombre des coupables, et des grands coupables, serait immense, effrayant ! et vous savez, saint-père, que si vous les décimiez vous seriez obligé de les faire saisir dans les églises, dans les palais de Rome, et jusque dans le Vatican. Croyez-vous, ajoutait Azzolini, qui voyait le pape redoubler d’attention, que l’on vous saura gré de n’avoir puni qu’un coupable, quand chacun sait qu’il y en a des milliers ? Rappelez-vous l’effet qu’a produit le supplice de Mascambruno : on a plaint cet homme quand on a vu que les rigueurs lui étaient exclusivement réservées ; et au lieu de trouver Innocent X juste, peu s’en est fallu qu’on ne le taxât de cruauté. Ah ! saint-père, ajouta le cardinal, avec la
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