l’on peut faire de mieux dans un siècle où la conscience, la vertu et la religion sont bannies d’entre les hommes. »
M. de Beauvoir, en entendant cette dernière phrase, porta son regard avec surprise sur le Poussin, qui, s’en étant bien aperçu, reprit aussitôt : « Ce langage vous étonne de ma part, je le vois ; de moi, Français comme vous, et prenant un intérêt si vif à la prospérité et à la gloire de notre pays, qui cependant demeure à Rome depuis vingt ans. Ah ! que n’avez-vous les mêmes goûts qui me retiennent, qui font que j’y puis vivre solitaire parmi la foule, qui me soutiennent intérieurement par de nobles et grands souvenirs, au milieu d’un peuple qui, depuis le plus petit jusqu’au plus grand, n’aspire qu’après l’or ! La plupart des nations de l’Europe, ajouta le Poussin, qui se retenait difficilement quand il trouvait l’occasion de purger son âme sur cette matière, sont corrompues aujourd’hui par l’amour effréné des richesses ; mais Rome ! Rome ! monsieur de Beauvoir, l’emporte sur toutes les autres ; et c’est ce qui perd tous ceux de ses enfants qu’elle emploie à faire jouer le mécanisme de son gouvernement. Ce que l’on appelle la politique de ce pays pousse dans le même abîme tous ceux qui sont appelés ou se présentent pour la régir ; et sans que l’on sache comment l’œuvre maudite s’accomplit, tel qui était entré honnête homme dans un emploi se trouve si bien mêlé avec les fripons, qu’au bout de peu de temps il les imite ou les laisse faire, comme il arrive au brave cardinal Cecchini, dont vous parliez tout à l’heure. Ah ! il y a des temps, et le nôtre est de ce nombre, où les hommes qui ont un sentiment profond du juste, de l’honnête et du beau, ne peuvent prendre part à la vie active ni s’exposer aux orages du monde. Leur barque est trop frêle ; leur courage se perdrait à braver follement des obstacles insurmontables. »
L’artiste eut de la peine à arrêter les plaintes de son âme. Ramené cependant à la prudence par le désir d’être utile à son jeune ami, il l’engagea à considérer prudemment sa situation pour prendre un parti sage, « Enfin, que comptez-vous faire ? dit-il en prenant affectueusement les mains du jeune homme. Avez-vous quelque projet ? mon crédit en