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crains plus de lui confier les inquiétudes toutes nouvelles qu’une mère a pour sa fille.

— Parlez, parlez, madame, dit avec émotion le jeune Lébis ; puisque vous daignez m’accorder votre confiance, soyez certaine que je m’en montrerai digne ; parlez.

— Figurez-vous, monsieur, que depuis plus de deux ans ma fille me cause la plus étrange des inquiétudes. Jusqu’à l’âge de douze ans à peu près, Louise a reçu ici, du curé de la paroisse, l’instruction religieuse que l’on donne ordinairement aux jeunes enfants. L’ecclésiastique qui l’assistait est un homme simple, mais dont le jugement est droit et l’instruction, à ce que l’on dit, assez solide. Du reste ses manières étaient fort bonnes, et sa conversation, peu brillante, avait le charme que donne la candeur de l’âme. Ma fille avait une confiance entière en notre curé, qui était aussi son confesseur, et ce brave homme prenait un soin tout particulier de mon enfant. La confiance que j’avais en lui, et qu’il a si bien justifiée, était cause que je n’attachais aucune importance à d’assez fréquentes observations faites par l’ecclésiastique, mais sous forme de plaisanteries innocentes. Il avait d’ailleurs dans le caractère quelque chose de si près de la naïveté de l’enfance, que, quand il grondait Louise en badinant, je n’y faisais guère plus d’attention que si ma fille se fût querellée avec une camarade de son âge. Les choses allèrent assez longtemps ainsi, et ce fut M. le comte de Soulanges qui éveilla mon attention en me disant un jour, par forme de conversation : — Mais quand donc Louise fera-t-elle sa première communion ? Je ne répondis rien ; mon mari ne renouvela pas sa question ; mais au dedans de moi-même je me fis plusieurs fois cette demande avec inquiétude, et pendant la nuit suivante, plusieurs fois je me réveillai en sursaut, me demandant toujours pourquoi ma fille n’avait pas fait sa première communion.

» Le lendemain, dès le matin, je fis prier M. le curé de venir au château. Je lui demandai d’abord s’il était satisfait de la conduite et de l’instruction religieuse de ma fille, et après avoir reçu de lui à ce sujet des réponses dans lesquelles je crus reconnaître quelques précautions évasives, je le pres-