Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/577

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comme cette étincelle si pure, que tu recèles en toi, est cependant obscurcie par mille idées fausses, par mille sentiments contradictoires, tu reconnaîtrais combien tu es loin encore, de jouir véritablement du bonheur d’aimer. Tiens, regarde de notre côté ; tu le vois, nous sommes calmes et tranquilles, et cependant nous aimons. Ici, ni l’âge ni le sexe n’établissent plus de différence entre tous ceux qui se chérissent ; l’amour, — je me sers de ce mot, parce que tu le comprends mieux qu’un autre, pour exprimer cette charité tendre et expansive qui nous unit tous ici, — est pour nous nécessaire et bienfaisant, comme l’air que vous respirez là-bas ; une ivresse amoureuse pénètre toutes nos facultés à la fois, et l’on y est riche de bonheur, sans connaître le désir de posséder et la crainte de perdre, sans se bercer d’espoir et sans se consumer de jalousie. Ah ! Robert, quand pourras-tu vivre de cette vie complète d’amour et de paix ? Aimable Lucie, tu es bien digne aussi de la connaître ; et toi, chère Thérèse, nous t’attendons avec impatience, toi qui es demeurée toujours si tendre et si triste. Pour vous, Caroline, vous jouirez sans doute aussi du même bonheur que nous, et je vous en témoigne le désir dans toute l’effusion de mon cœur. Quant à Flavie..., quant à Flavie, répéta Zénobie, dont la voix s’était altérée en prononçant ce nom à la première fois, elle est bien jeune encore, et, pour la préserver des dangers de la vie dans laquelle elle est à peine entrée, nous prierons tous Dieu pour elle afin qu’il lui soit favorable. »

Ainsi les heures s’écoulaient à la faveur de ce doux entretien. Mille questions adressées à Zénobie, ou faites par elle, sur les affections ou les destinées réciproques de ceux de leurs amis que la mort avait enlevés au monde ou que le monde retenait encore, devinrent l’occasion des aveux les plus intimes, des témoignages de confiance les plus sincères. Cette réciprocité de tendresse, soutenue par les paroles de Zénobie, et animée encore par le spectacle de cet amour et de cette paix céleste ; cet air, ce ciel si pur, cette lumière si vive et si étincelante ; ce bonheur, qui résultait de cette douce charité, pleine de calme et de paix, tout enfin avait fait passer dans l’âme de Robert et de ses compagnes un désir