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nous voit, m’en est témoin, et pour toi, oh ! j’en suis certaine, tu n’en doutes pas.

— Non, ma Justine !

— Cet amour, Ernest, m’assure des droits sur ton cœur, et comme je sais que tu es généreux, il m’en donne sur ta personne.

— Tu le sais, je te l’ai dit : je suis à toi pour la vie !

— Écoute, mon Ernest, écoute ton amie : tu reconnais donc ces droits ?

— Oui, oui, mille fois oui !

— Eh bien ! j’en vais faire usage dès aujourd’hui ; mais au nom de la tendresse que je t’ai montrée, j’exige que tu me promettes d’avance de te soumettre à ce que je vais décider.

— Je te le promets !

— Ce n’est pas assez ; jure-le, Ernest.

— Tout à toi, ma Justine ! je te le jure ! que désires-tu ?

— Oh ! cher ami, je ne désire pas... je veux…

— Eh bien ! que veux-tu ?

— Je veux... mais je veux absolument, qu’à partir de ce jour jusqu’à un an révolu, tu te livres à tes occupations nouvelles, et qu’à l’exception du serment que tu viens de faire, tu te regardes comme libre envers moi de tous les engagements que tu as pris avec toi-même.

— Comment, Justine ?...

— Oh ! je le veux ainsi, Ernest.

— Quoi !...

— Je le veux, et tu as juré de m’obéir ; c’est moi seule qui déciderai de notre avenir, et je t’interdis toute initiative à ce sujet.

Les larmes coulèrent des yeux du jeune homme. Il se sentit tout à coup comme précipité du comble du bonheur dans un abîme de chagrins. Déjà ses idées s’obscurcissaient dans son esprit, lorsque tout à coup un rayon d’espoir vint encore y briller.

— Justine ! Justine ! dit-il à son amante, ô ma bien-aimée ! penses-y donc !... si cette nuit ?... pense ! et qu’un gage de notre tendresse !...