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Il alla en effet de ce pas porter plainte à l’archevêché. Aussitôt un messager fut envoyé à Ginevra, qui reçut l’ordre de comparaître. « J’irai, dit la dame au messager, et je ferai valoir toutes mes raisons. Mais, quelle que soit l’issue de ce procès, je déclare devant Dieu que je me ferai religieuse, plutôt que de rentrer sous le toit de Francesco. »

Elle ne se fit pas beaucoup attendre, et elle se présenta devant l’archevêque. Une parure élégante et riche relevait encore l’éclat de sa beauté. Après avoir fait une révérence selon l’usage, elle prit l’initiative, et dit : « Monseigneur, que me demandez-vous ? — Soyez la bienvenue, répondit l’archevêque, et dites-moi, ma fille, pour quelle raison refusez-vous d’aller habiter avec votre premier mari ? — La voici, digne prélat ; jugez de sa force. » Alors, Ginevra raconta, dans le plus grand détail, sa mort prétendue, son enterrement, son évasion du tombeau, les vaines supplications qu’elle avait adressées à ses parents et à son mari, et enfin l’état affreux d’abandon où elle s’était trouvée la nuit dans les rues de Florence. « Depuis plus de deux heures, dit-elle enfin au prélat, je parcourais la ville. À peine vêtue, transie de froid, vaincue par la fatigue, je sentais que j’étais tombée et que j’allais mourir sur le pavé. Par une inspiration divine, je me souvins d’Antonio, qui, pendant quatre années de suite, m’avait témoigné un amour si sincère. Je fis un dernier effort pour me traîner jusqu’à sa porte, et s’il ne m’avait pas donné l’hospitalité, j’étais morte. Il m’a accueillie, vénérable prélat, et c’est à lui seul, oui, à lui seul, que je dois la vie ; jugez maintenant. »

Francesco, interrogé à son tour, resta interdit, et ne trouva rien à répondre. On jugea qu’il avait tort, car la mort délie tous les engagements. Ce malheureux ne put supporter le séjour de Florence, et il ne tarda pas à quitter cette ville pour aller se faire religieux dans un couvent. Quant à Antonio et à Ginevra, dont le sort avait vivement intéressé l’archevêque, leurs noces furent célébrées, et ils vécurent longtemps heureux et honorés.

FIN.