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des premiers effets d’une entrevue semblable, elle avait aussitôt appelé Mariette auprès d’elle. Ernest entra tout aussitôt, et la vue de la femme de chambre le rappela à lui.

— Asseyez-vous, s’il vous plaît, mon cousin, dit mademoiselle Justine ; j’ai quelques ordres à donner à Mariette, et je suis à vous à l’instant.

Pendant qu’elle prescrivait en effet différents détails relatifs au service de la maison, le jeune Ernest, sans faire aucun mouvement, promena ses yeux sur tout l’ameublement de cette chambre. Il remarqua bien que les rideaux de l’alcôve étaient hermétiquement fermés, et reconnut sa montre suspendue près de la cheminée.

Son émotion n’était pas moindre que quand il ouvrit la porte ; mais cependant il reconnut qu’il n’était pas au lendemain du 23 juin, et que depuis il s’était écoulé un an. Sa cousine lut cette révolution intérieure sur sa physionomie et ordonna alors à Mariette d’aller remplir ses commissions.

Lorsqu’on eut cessé d’entendre résonner le bruit des pas de la fille, Ernest dit, mais d’une voix extrêmement émue :

— Vous me pardonnerez sans doute mon trouble, ma cousine ?

— Je fais mieux, mon ami, je le partage.

Puis levant les yeux elle ajouta :

— Il est si naturel !

Et elle laissa baiser une de ses mains à Ernest, tandis que sa tête se baissa vers l’autre.

Ils restèrent longtemps dans cette attitude, jusqu’au moment où Ernest, multipliant ses ardentes caresses, se sentit repoussé doucement, mais d’une manière expressive, par la main de sa cousine.

— Eh bien ! dit-il en se prosternant et tout suffoqué par ses sanglots, laissez-moi au moins la poussière de vos pieds.

Et alors il se mit à couvrir les pieds de sa cousine de ses baisers et à les arroser de ses larmes.

Cette espèce de fureur était si naturelle que, malgré la peine que causait à mademoiselle de Liron l’attitude de son cousin, elle sentit la nécessité de laisser prendre pendant