dominer par la même pensée. Puis frappant légèrement sur l’épaule d’Ernest :
— Je crois que l’appétit me vient, dit-elle ; allez chercher la table, mon ami, et mettons-nous à souper ; cela ne nous empêchera pas de causer.
Ernest obéit, approcha le guéridon de la chaise longue et ouvrit la serviette devenue nappe, sur laquelle tout le petit repas déjà placé se trouva immédiatement servi.
— Il n’y a qu’un couvert et qu’une assiette, observa mademoiselle de Liron en souriant ; Mariette n’a pas pensé à vous.
Ernest sourit à son tour ; et il demeura convenu tacitement entre les deux convives, que le couvert unique servirait à deux.
— Or ça, puisque nous voilà bien à notre aise et que nous sommes un peu plus calmes, dit mademoiselle de Liron après avoir goûté des mets et en passant les ustensiles à son cousin pour qu’il en fît usage à son tour, voilà une excellente occasion pour jaser sur l’affaire de notre mariage ; qu’en dites-vous, Ernest ?
— Je pense comme vous, et je vous dirai, ma chère Justine, pour entrer tout de suite en matière, que je comptais bien vous faire savoir que toutes mes réflexions à ce sujet sont faites. Si vous ne vous y opposez pas, je suis décidé à vous épouser ouvertement ou secrètement, il n’importe, et vous jugerez mieux que moi de ce qui convient à cet égard. Mais je désire vous épouser, aujourd’hui comme il y a un an, et plus encore aujourd’hui que jamais ; je me sens engagé d’honneur avec vous.
Il y eut un intervalle de silence causé par la dextérité attentive avec laquelle mademoiselle de Liron posa les débris de son repas sur le bord de l’assiette.
— Tenez, mon ami, voulez-vous m’en croire ? dit-elle en se débarrassant de sa serviette, ne nous jetons pas dans les grands mots, car dans un moment nous ne nous y reconnaîtrons plus.
— Mais, ma cousine...
— Permettez, Ernest, que je vous adresse une question.