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JOURNAL D’EUGENE DELACROIX.

credi. J’ai été ému à son abord[1] : sottise ! De là au manège royal, dont je n’attends pas grand fruit ; puis été voir Cogniet.

— Le soir chez les Fielding[2].

— Hier jeudi, Taurel[3] venu me voir ; il m’a donné envie de l’Italie et longue conversation à Monceaux et au retour. Quelques-unes des idées ci-dessus en sont le fruit.

— Aujourd’hui, reçu une lettre de Philarète, qui a couru après moi.

— Voici quelques-unes des folies que j’écrivais, il y

  1. Delacroix a retracé d’autre part, dans le cahier manuscrit dont nous avons déjà parlé, le caractère de ses relations avec Géricault : « Quoiqu’il me reçût avec familiarité, la différence d’âge et mon admiration pour lui me placèrent, à son égard, dans la situation d’un élève. Il avait été chez le même maître que moi, et, au moment où je commençais, je l’avais déjà vu, lancé et célèbre, faire à l’atelier quelques études. Il me permit d’aller voir sa Méduse pendant qu’il l’exécutait dans son atelier bizarre près des Ternes. L’impression que j’en reçus fut si vive qu’en sortant je revins toujours courant et comme un fou jusqu’à la rue de la Planche que j’habitais alors. » (Eugène Delacroix, Sa vie et ses œuvres, p. 61.)
  2. Il s’agit ici des quatre Anglais, les frères Fielding, Théodore, Copley, Thalès et Nathan, tous artistes, aquarellistes de talent. Le plus célèbre est Copley. Ce fut Thalès Fielding qui se lia le plus intimement avec Delacroix, pendant un séjour qu’il fit à Paris en 1823. M. Léon Riesener, dans ses notes sur Delacroix, donne des détails assez piquants sur la communauté d’existence des deux artistes : « Pour faire du café le matin, on ajoutait de l’eau et un peu de café sur le marc de la veille, dans l’unique bouilloire, jusqu’à ce qu’on fût forcé de la vider. De temps en temps on avait un gigot en provision, dans l’armoire, auquel on coupait des tranches pour les rôtir dans la cheminée. Mais un jour les deux amis, partageant ce déjeuner, se fâchèrent. Fielding disait très sérieusement qu’il descendait du roi Bruce. Delacroix l’appelait « Sire ». Mais Fielding ne pouvait sur ce sujet admettre la plaisanterie et se fâcha pour toujours. » (Corresp., t. I, p. 23.)
  3. François Taurel, peintre de marines, né à Toulon en 1787, mort à Paris en 1832.