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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Mardi 24 février. — Fait d’après Bergini un croquis pour l’homme à cheval et refait l’homme couché. Ivresse de travail.

— Le Salon retardé.

Aujourd’hui, à Bergini 5 fr.

Vendredi 27 février. — Ce qui me fait plaisir, c’est que j’acquiers de la raison, sans perdre l’émotion excitée par le beau. Je désire bien ne pas me faire illusion, mais il me semble que je travaille plus tranquillement qu’autrefois, et j’ai le même amour pour mon travail. Une chose m’afflige, je ne sais à quoi l’attribuer ; j’ai besoin de distractions, telles que réunions entre amis[1], etc. Quant aux séductions qui dérangent la plupart des hommes, je n’en ai jamais été bien inquiété, et aujourd’hui moins que jamais. Qui le croirait ? Ce qu’il y a de plus réel en moi, ce sont ces illusions que je crée avec ma peinture. Le reste est un sable mouvant.

Ma santé est mauvaise, capricieuse comme mon imagination.

— Hier et aujourd’hui, fait les jambes du jeune homme du coin. Quelles grâces ne dois-je pas au

  1. Un des traits caractéristiques de la nature de Delacroix, à l’époque de sa première jeunesse, fut ce besoin de distractions, cette recherche du plaisir. Il obtenait d’ailleurs de réels succès, si l’on en croit ceux qui l’ont connu, plutôt comme homme du monde que comme artiste. Baudelaire, à qui Delacroix avait fait la confidence de ses préoccupations mondaines, note très justement qu’elles disparurent avec l’âge, et qu’un seul besoin impérieux les remplaça, l’amour du travail.