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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.


Jeudi 25 mars. — Été avec Leblond voir des tableaux : surtout tête de femme ; la Marquise de Pescara du Titien[1] et un Velasquez admirable, qui occupe tout mon esprit.

— Été à Saint-Cloud avec Fielding et Soulier, et dîner. — Le soir chez Pierret, punch.

Vendredi 26 mars. — Rencontré Édouard chez Lopez et déjeuné ensemble dans le quartier de son atelier. — Passé la journée à son atelier. — Dîné chez Rouget et le soir chez M. Lelièvre, Taurel et Lamey[2].

Samedi 27 mars. — De bonne heure à l’atelier. Pierret venu. — Dîné chez lui ; lu de l’Horace[3].

— Envies de poésie, non pas à propos d’Horace.

  1. Vittoria Colonna, marquise de Pescara, célèbre par sa beauté, ses vertus et son talent de poète. On connaît d’elle deux portraits célèbres, l’un de Sébastien del Piombo, l’autre du Mutien (Muziano), élève du Titien (Tiziano). Il y a ici évidemment une confusion dans l’esprit de Delacroix entre le Mutien et le Titien.
  2. Lamey, cousin de Delacroix, devint président de cour à Strasbourg.
  3. Dès sa vingtième année, Delacroix avait compris, comme tous les hommes supérieurs, que la véritable instruction n’est pas celle que l’on reçoit de ses maîtres, mais bien celle que l’on se donne à soi-même. Dans une lettre très curieuse, adressée à Pierret en 1818, il écrivait : « Il faut cet hiver nous voir bien souvent, lire de bonnes choses. Je suis tout surpris de me voir pleurer sur du latin. La lecture des anciens nous retrempe et nous attendrit : ils sont si vrais, si purs, si entrants dans nos pensées ! »
    A propos d’Horace, il dit autre part : « Horace est à mon avis le plus grand médecin de l’âme, celui qui vous relève le mieux, qui vous attache le mieux à la vie dans certaines circonstances, et qui vous apprend le plus à mépriser dans d’autres. » (Corresp., t. I, p. 15 et 24.)