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EUGÈNE DELACROIX





Delacroix écrit au cours de son Journal : « On ne connaît jamais suffisamment un maître pour en parler absolument et définitivement. » Un tel jugement, qui paraît au premier abord la condamnation de l’étude que nous entreprenons, deviendra facilement, si l’on y réfléchit, un argument en sa faveur. On peut objecter, sans doute, que l’historien d’un esprit péchera toujours par quelque lacune, provenant soit d’un défaut de compréhension qui lui est personnel, soit d’un manque de documents qu’on ne saurait lui reprocher ; il n’en reste pas moins qu’en appliquant à la lettre, jusqu’à ses extrêmes conséquences, l’aphorisme du grand artiste, on aboutirait au néant, qu’il vaut mieux être incomplet que de n’être point du tout, enfin que l’autorité des documents sur lesquels il s’appuie contribue singulièrement à soutenir l’écrivain. Or, quels plus précieux documents pourraient exister que ceux qui sont offerts au public sur Eugène Delacroix ? Quarante années de la vie d’un artiste, depuis l’origine de sa production jusqu’à ses derniers moments, non point complètes, il est vrai : — nous verrons plus tard quelles lacunes on y doit regretter ; — mais quarante années durant lesquelles, avec la franchise