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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

1830

Sans date. — Ordinairement, le point d’interruption de la composition, c’est-à-dire la manière dont tranche le groupe de devant avec les figures plus éloignées, doit être sombre et fait mieux au bord qu’éclairé ; encore par la raison que les devants doivent autant que possible se détacher en sombre par les bords. Jusqu’ici, je crois ce principe le plus fécond pour le clair-obscur.

Le Corrège ne me paraît pas aussi complet dans le clair-obscur que Véronèse et Rubens ; il détache trop souvent des membres très clairs sur un fond sombre ; ce qui fait bien sur un fond sombre, c’est alors des parties entièrement reflétées.

Mercredi 14 mai. — Article sur Michel-Ange[1]. Heureux homme ! il a pétri le marbre et animé la

  1. Cet article parut dans la Revue de Paris en 1830. Delacroix avait inscrit en tête de son étude ce fragment des poésies du grand artiste qui peint si exactement la hauteur et la fierté d’âme qu’il admirait en lui par-dessus toutes choses : « J’ai du moins cette joie, au milieu de mes chagrins, que personne ne lit sur mon visage ni mes ennuis ni mes désirs. Je ne crains pas plus l’envie que je ne prise les vaines louanges de la foule ignorante… et je marche solitaire dans les routes non frayées. »