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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

parallèles dans la nature, soit droites, soit courbes.

Il serait intéressant de vérifier si les lignes régulières ne sont que dans le cerveau de l’homme. Les animaux ne les reproduisent pas dans leurs constructions, ou plutôt dans les ébauches de régularité que présentent leurs ouvrages, comme le cocon, l’alvéole. Y a-t-il un passage qui conduit de la matière inerte à l’intelligence humaine, laquelle conçoit des lignes parfaitement géométriques ?

Combien d’animaux en revanche qui travaillent avec acharnement à détruire la régularité ! L’hirondelle suspend son nid sous les sophites du palais, le ver trace son chemin capricieux dans la poutre. De là le charme des choses anciennes et ruinées. Ce qu’on appelle le vernis du temps : la ruine rapproche l’objet de la nature.

— Combien de livres qu’on ne lit pas parce qu’ils veulent être des livres[1] ! Le trop d’étendue, de longueur fatigue. Rien n’est plus important pour l’écrivain que cette proportion. Comme, contrairement au peintre, il présente ses idées successivement, une mauvaise division, trop de détails fatiguent la conception. Au reste, la prédominance de l’inspiration ne comporte pas l’absence de tout génie de combinaison, de même que la prédominance de la combi-

    Rome. C’est en Italie que commença entre les deux artistes cette intimité profonde qui les réunit pour ainsi dire en une seule personnalité.

  1. A rapprocher de ce passage celui où il dit : « Montaigne écrit à bâtons rompus ; ce sont les ouvrages les plus intéressants. »