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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

quelques Ruysdaël, surtout un effet de neige et une marine toute simple où on ne voit presque que la mer par un temps triste, avec une ou deux barques, m’ont paru le comble de l’art, parce qu’il y est caché tout à fait. Cette simplicité étonnante atténue l’effet du Watteau et du Rubens ; ils sont trop artistes. Avoir sous les yeux de semblables peintures dans sa chambre, serait la jouissance la plus douce.

Chez Mornay.

— Chez Mme Delessert, par le quai, où j’ai acheté le Lion de Denon[1], ne l’ayant point trouvé chez Maindron[2]. J’ai été reçu en son absence par sa vieille mère, qui m’a montré son groupe. Ce petit jardin a quelque chose d’agréable ; il est peuplé des infortunées statues dont le malheureux artiste ne sait que faire. Atelier froid et humide ; cet entassement de plâtres, de moules, etc.

Il est revenu et a été sensible à ma visite ; son groupe en marbre qu’il a chez lui, depuis quelques années, sans le vendre ; le bloc seul a coûté 3,000 francs.

— Le soir chez Mme Sand. Arago[3] m’a parlé du projet qu’il retourne avec Dupré, pour vendre avan-

  1. Baron Denon (1747-1825), graveur, fut directeur général des musées impériaux et membre de l’Institut.
  2. Hippolyte Maindron, sculpteur, né en 1801, élève de David d’Angers. Il appartient au petit groupe des sculpteurs romantiques dont les représentants les plus connus sont Barye, Préault, Antonin Moyne.
  3. Alfred Arago, artiste peintre, second fils de François Arago, né en 1816. Il devint inspecteur général des Beaux-Arts.