Page:Delacroix - Journal, t. 1, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/398

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
322
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

donne tant de simplicité est due à l’habitude de la décoration. On est forcé dans ce genre de laisser beaucoup de parties sacrifiées.

Il faut appliquer surtout à la représentation des natures jeunes ce principe du peu de différence de valeur des ombres par rapport aux clairs. Il est à remarquer que plus le sujet est jeune, plus la transparence de la peau établit cet effet.

11 juillet. — Remarquer combien la prétendue civilisation émousse les sentiments naturels. Hector dit à Ajax, livre VII, en cessant le combat : « Déjà la nuit est avancée, et nous devons tous obéir à la nuit, qui met un terme aux travaux des hommes. »

20 juillet. — Jour de mon départ pour Champrosay, où je vais passer plus de quinze jours. Reçu le matin même la lettre où Mme Sand me parle de sa querelle avec sa fille.

Chopin venu le matin, comme je déjeunais après être rentré du Musée où j’avais reçu la commande de la copie du Corps de garde[1]. Il m’a parlé de la lettre qu’il a reçue ; mais il me l’a lue presque tout entière depuis mon retour. Il faut convenir qu’elle est atroce. Les cruelles passions, l’impatience longtemps comprimée s’y font jour ; et, par un contraste qui serait plaisant, s’il ne s’agissait d’un si

  1. Toile exposée au Salon de 1847. Appartient au duc d’Aumale. (Voir Catalogue Robaut, nos 492 et 105.)