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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.
que notre amitié soit de plus fondée à l’avenir sur l’intelligence claire de nos droits respectifs… Je vais donc très incessamment retourner à Paris, où je te retrouverai à la fin de ce mois, si tu ne changes pas d’avis. J’ai été bien peiné de voir que tu n’aies pas cru devoir répondre à la lettre que mon frère t’avait écrite, en même temps que moi. J’en avais espéré un retour et une réconciliation, qui aurait fait mon plus grand bonheur.
Adieu, etc. »

— J’ai reçu ce soir une lettre de Piron[1] et de Pierret[2] : j’ai pris subitement le parti de retourner à Paris. Il me semble, en partant ainsi sans avoir le

  1. Piron était un des amis les plus intimes de Delacroix. Il fut administrateur des Postes, et à raison de son entente des affaires, Delacroix devait l’instituer son légataire universel et le charger de l’exécution de ses dernières volontés. Ce fut par ses soins que se trouvèrent réunies en un volume tiré à un petit nombre d’exemplaires et publié chez J. Claye, sous le titre : Eugène Delacroix, sa vie et ses œuvres, les œuvres critiques de Delacroix, parues à la Revue des Deux Mondes, à l’Artiste et à la Revue de Paris
  2. Il nous paraît utile de rappeler, au début de ce Journal, les lien d’étroite affection qui unissaient Eugène Delacroix à Pierret. La lecture du premier volume de la correspondance a pu édifier sur ce point les fervents du maître ; c’est ainsi que la plupart des lettres de l’année 1832, pendant laquelle Delacroix fit son voyage au Maroc, sont adressées à l’ami qui avait été son camarade d’enfance ; tout ce qui présente un caractère de confidence et d’intimité, le récit de ses premières amours, de ses tentatives d’artiste, de ses déboires et des luttes qu’il soutient, il l’adresse à Pierret.
    Pierret était le secrétaire de Baour-Lormian, et Delacroix, dans maints passages de sa correspondance, parle avec émotion de cette intimité : « Oui, j’en suis sûr, lui écrit-il, en 1818, la grande amitié est comme le grand génie, le souvenir d’une grande et forte amitié est comme celui des grands ouvrages des génies… Quelle vie ce doit être que celle de deux poètes qui s’aimeraient comme nous nous aimons ! »
    Pierret mourut en 1854.