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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

ce peuple qui l’aime se tait par peur. Le duc d’Albe, avec sa tête longue et sèche, peut être là. L’échafaud de loin tendu de noir et les cloches en branle.

Algernon Sidney condamné à mort.

Mardi 8 octobre. — Édouard me dit qu’il avait trouvé dans la même maison deux ateliers qui pourraient nous convenir[1]. J’ai passé ma journée dans les plus tristes quartiers du monde. J’étais tout trempé de mélancolie.

J’ai vu Pierret le soir et j’ai pu apprécier plus à mon aise les charmes de sa jolie bonne.

J’ai dîné, hier 7, chez mon oncle Riesener avec l’oncle Pascot[2], la tante, Hugues, etc. Bonne journée.

Le dimanche 6, travaillé chez Champion, où je me congelais. Allé avec lui dîner à Neuilly. Bonne partie, dont je conserverai agréable souvenir. Champion est bon, malgré ses travers ; il a bon cœur, et je désire vivement le voir sortir de son bourbier.

Jeudi dernier, j’avais vu Tancrède[3] pour la troisième fois. J’y ai éprouvé bien du plaisir. Mes douces impressions ont été gâtées par une lettre de mon frère,

  1. Vers 1820, Delacroix avait établi son atelier, 22, rue de la Planche, aujourd’hui rue de Varenne. Il ne quitta cet atelier qu’en octobre 1823, pour s’installer rue Jacob.
  2. Charles Pascot, négociant, puis intendant de la duchesse de Bourbon, avait épousé Adélaïde-Denise Œben, sœur cadette de la mère d’Eugène Delacroix.
  3. Tancrède, opéra italien de Rossini.