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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Dîné chez Chabrier avec son ami Chevigné[1], dont il me vante les talents en poésie : il n’a pas celui de l’éloquence, il ne s’exprime point comme tout le monde, et il cherche ses mots pour la moindre phrase. Ce dîner à quatre n’était pas suffisamment animé.

Le soir, Mme L… m’a plu, quoiqu’elle ne soit pas jeune. Elle était près de Mme de F…, en grands frais de toilette. Le mari de Mme de F… est un homme charmant. Il s’étonne que je n’aille pas en Italie[2] ; il me cite les lacs du nord de l’Italie comme des merveilles qu’il faut voir absolument, et qu’on voit très facilement ; on peut même faire son excursion en deux fois, s’il le faut : une fois, Florence, Rome et Naples ; une autre fois, Milan, Venise, etc.

Dimanche 1er mai. — J’ai été mené le soir par M. et Mme Mancey chez M. Gentié, où j’ai vu la belle Mariette Lablache[3], et entendu de la musique assez choisie, mais surtout vu la belle Mariette. Elle diminuait tout autour d’elle, comme une déesse au milieu de simples mortelles. Toutes ces natures du Nord étaient bien chétives, en comparaison de cette splendeur méridionale. Rentré très tard, et sorti sans que ce fût fini.

  1. Ce Chevigné était un médiocre rimeur qui s’était fait une réputation de salon.
  2. Sur les projets de voyage en Italie, voir notre Étude, p. xlv et xlvi.
  3. Mariette Lablache, fille du célèbre chanteur du Théâtre-Italien, est devenue par son mariage baronne de Caters.