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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

tinuation du même état jusqu’à la fin de sa vie. Est-il rien de plus ridicule que de s’agiter dans l’âge où tout invite, où tout force au repos ? d’être le compétiteur de gens doublement encouragés par la force de l’âge et par l’intérêt qui s’attache à la jeunesse ? L’homme de mérite que les circonstances n’ont pas servi, doit jouir encore, dans la situation où il voit s’achever ses jours, du calme que cette situation comporte ; et il n’y a que la misère qui puisse rendre cette condition intolérable ; et ceci ne s’adresse pas à ceux qui seraient, par un hasard fort rare et malgré de notables qualités, tombés dans un état si bas. C’est de la force d’âme alors, et une force bien rare, qui serait nécessaire à cet infortuné, pour faire tête au malheur. Chez celui-là, il y aurait encore lieu à tirer des consolations du sentiment de son propre mérite et de l’injustice de la fortune.

La jeunesse voit tout devant elle et veut aspirer à tout ; c’est ce qui fait son inquiétude et son agitation continuelles. L’idée du repos est aussi incompatible avec cet âge que celle de l’agitation l’est pour la vieillesse. Le vieillard, au contraire, serait inexcusable d’entretenir cette agitation fiévreuse. Il a mesuré ses forces et il connaît le prix du temps ; il sait celui qu’il lui faudrait pour parvenir à un but incertain. Il faut, à son âge, avoir atteint celui auquel on tendait, et non pas remettre encore en question quel sera l’avenir. Ce sont toutes ces raisons qui doivent le porter au calme et lui faire tirer de la posi-