Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
235
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.
fait trouver charmant, quand j’y reviens. Le secret du bonheur n’est pas de posséder les choses, mais d’en jouir ; je serais certes moins heureux d’être le maître d’un grand château où je m’ennuierais et où je serais ennuyé par les autres. Mais ceux qui n’aiment pas la solitude ne peuvent sentir le plaisir que j’éprouve à être roi dans une bicoque ! La liberté, mais des loisirs occupés, l’esprit en travail sans cesse font trouver enchanteurs tous les sites et tous les temps possibles. Pendant ces jours de pluie, je n’ai pas été ennuyé jusqu’à présent. »


Lundi 10 octobre. — Surpris ce matin, pendant que j’étais en train de peindre, par Mme Villot, Mme Halévy, Halévy[1], ses enfants, Georges et le frère de Mme Villot. Cette invasion dans ma cabane m’a désagréablement surpris et m’a laissé à la fin très satisfait.

J’ai dîné aujourd’hui chez Mme Villot et demain chez Halévy.

Travaillé beaucoup le fond de la Sainte Anne[2] sur un dessin d’arbres d’après nature, que j’ai fait

  1. Malgré ses relations mondaines avec Halévy, Delacroix conservait toute sa liberté d’appréciation à son égard. Nous avons cité dans notre Étude le fragment de lettre dans lequel Delacroix donne son opinion sur la Juive. Il y félicite le chanteur Nourrit d’avoir « répandu de l’intérêt sur une pièce comme la Juive qui en a grand besoin, au milieu de ce ramassis de friperies qui est si étranger à l’art ».
  2. Ce tableau est connu sous le nom d’Éducation de la Vierge. L’idée première lui en vint à Nohant chez George Sand, et sa correspondance relate les circonstances dans lesquelles il le fit. (Voir Catalogue Robaut, no 1193.)