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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Le soir, chez Mme Barbier, où elle a lu des Mémoires de Véron… Ai-je été trop sévère en en parlant il y a deux ou trois jours ? Quoique je ne connaisse encore que ces passages détachés, je ne le pense pas.

Qu’est-ce que les mémoires d’un homme vivant sur des vivants comme lui ? Ou il faut qu’il se mette tout le monde à dos en disant sur chacun ce qu’il y a à dire, et un pareil projet mènerait loin, ou il prendra le parti de ne dire que du bien de tous ces gens qu’il coudoie et avec lesquels il se rencontre à chaque moment. De là la fastidieuse nécessité d’appeler à son secours les anecdotes qui traînent partout, ou qui, pour lui avoir été communiquées, n’en sont pas plus intéressantes, parce que tout cela ne se tient point, en un mot que ce ne sont pas ses mémoires, c’est-à-dire ses véritables et sincères jugements sur les hommes de son temps. Ajoutez à cela l’absence de toute composition et la banalité du style, que Barbier admire pourtant beaucoup.

Mercredi 26 octobre. — Le Spectateur parle de ce qu’il appelle génies de premier ordre, tels que Pindare, Homère, la Bible, — confus au milieu de choses sublimes et inachevées, — Shakespeare, etc. ; puis de ceux dans lesquels il voit plus d’art, tels que Virgile, Platon, etc…

Question à vider ! Y a-t-il effectivement plus à s’émerveiller dans Shakespeare, qui mêle à des traits