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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

de tous les objets contemporains de son passage d’un moment. Voilà que je ne reconnais plus mon ami, parce que trente ans ont passé sur mes sentiments. Si je l’avais perdu il y a quinze ans, je l’eusse regretté éternellement ; mais je n’ai pas encore eu le temps de me dégoûter de la vue des arbres et des monuments que j’ai vus toute ma vie. J’aurais voulu les voir jusqu’à la fin.

Vendredi 16 décembre. — Dîné chez Véron. Il y avait là cinq ou six médecins. La conversation a roulé pour les trois quarts sur les anus, les fistules, pustules et autres détails de la profession qui faisaient promettre, pour le dessert, au moins une petite dissection. Velpeau[1] y était ; il est très spirituel. Le vertueux Nisard[2] était près de moi et un peu dépaysé.

Samedi 17 décembre. — Dîné chez Lebmann avec Visconti[3], que j’aime à revoir, Mercey, Meyerbeer ; je suis allé avec ce dernier chez Buloz.

Dimanche 18 décembre. — Sorti à onze heures et demie.

  1. Le docteur Velpeau était un des plus célèbres chirurgiens de l’époque.
  2. M. Nisard, pour qui la critique ne pouvait avoir de mystères, déclarait dans un Salon daté de 1833, au National, où il remplaçait le critique Peisse, que « M. Delacvoix n’avait pas un ouvrage sérieux ».
  3. Visconti, architecte, dont l’œuvre principale fut la réunion du Louvre aux Tuileries. Il paraît que Delacroix l’estimait davantage que ses confrères Lefuel et Baltard. (Voir suprà, t. II, p. 229.)