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Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/505

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

pourvu d’un bon emploi dans la finance dans quelque province. Les deux frères mènent joyeuse vie et se carrent dans leur poste jusqu’à la mort de la duchesse, qui fut assez prompte.

Voilà mes hommes renvoyés ; mais au lieu de retourner au pays, accoutumés à un certain genre de vie, et dans l’âge des entreprises, ils font argent de leurs meubles, de tout ce qu’ils peuvent, et s’en vont mener à peu près la même vie en Italie, à Rome ou à Naples. Quand vient le moment où il n’y avait plus d’argent, ils s’imaginent de se donner à eux-mêmes un brevet de médecin et de faire des pilules qu’ils s’en vont vendant le long de leur voyage par retour.

Revenus, de guerre lasse, au giron paternel, ils furent traités de bonne sorte, de libertins, de débauchés. Cependant le père s’apaisa, et ils reprirent l’un et l’autre je ne sais quelle manière de vivre dans leur petit endroit. Le père, un jour, leur demanda des détails sur le fameux carnaval de Venise, pensant qu’on ne pouvait avoir été en Italie sans pouvoir en donner des nouvelles. Nos deux voyageurs avouent qu’ils n’en avaient rien vu, attendu qu’ils n’avaient point été à Venise, à la grande surprise du père Varroquier.

Sur cette idée, leur tête s’enflamme de nouveau, et, lassés de la vie bourgeoise, après avoir obtenu d’une tante quelque argent, ils s’embarquent de nouveau et retournent en Italie, où le cadet mourut je ne sais comment.

C’est le grand-oncle lui-même qui raconta depuis