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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

La mort d’Achille : celui-ci s’affaisse au pied de l’autel où il sacrifie ; un vieillard le soutient ; la flèche a traversé le talon. A la porte même du temple, Pâris, avec un petit arc ridicule à la main, et au-dessus de lui, Apollon qui le lui montre avec un geste qui venge toute la guerre de Troie. Rien n’est plus antifrançais que tout cela. Tout ce qu’il y avait, même d’italien, auprès paraissait bien froid.

J’espère y retourner…

Mardi 27 janvier. — Retourné ce jour voir les tapisseries. J’étais dans un état de malaise qui m’a empêché d’en tirer le parti que j’aurais voulu ; j’ai fait quelques croquis et éprouvé la même impression et la même impossibilité de m’en aller. En sortant, chez Penguilly[1], où j’ai vu M. Fremiet[2], sculpteur ; puis chez Cavé, que j’ai trouvé malade, je crois, gravement.

Il est impossible d’imaginer quelque chose qui soit au-dessus de cet Agamemnon. Quelle simplicité ! La belle tête… avec un mélange d’appréhension, que domine l’indignation ! Le vieillard lui prend la main, comme pour le calmer, et en même temps regarde Achille. La tête d’Hector mourant est une de ces choses qu’on n’oublie jamais ; elle est la plus juste de

  1. Penguilly L’Haridon.
  2. Emmanuel Fremiet, sculpteur animalier, né en 1824, neveu et élève de Rude. De tempérament fort différent de celui de Rude, il ne put rester longtemps dans son atelier. Il devint, avec Mène et Gain, un des rivaux de Barye.